vendredi 25 juin 2010
Mayada EL Hanawi
Mayada EL Hanawi En plus de 25 ans de carrière, la chanteuse syrienne Mayada Al-Hinnawi a attiré des milliers de fans de par le monde arabe. La semaine dernière, elle a été l’une des invités d’honneur du Festival de la chanson méditerranéenne, lequel lui a décerné La Clef de la ville d’Alexandrie. La prêtresse de l’amour Elle a une très belle voix. Peut-être la plus belle de toute sa génération, celle des années 1970-80. Et c’est d’ailleurs son mystérieux talent qui a fait qu’elle a pu garder sa célébrité, en dépit des longues périodes d’absence.
Mayada Bint Bakri Al-Hinnawi, surnommée tout court Mayada Al-Hinnawi, est originaire de la ville d’Alep en Syrie, réputée pour ses traditions et genres musicaux. Les airs orientaux lui étaient familiers depuis très tôt. « Je n’ai pas été élevée dans un milieu artistique, mais dans mon entourage, la musique était toujours omniprésente. Mes parents étant de vrais mélomanes, ils étaient aussi très ouverts d’esprit. Ma mère me chantait les œuvres d’Oum Kalsoum, de Saleh Abdel-Hay et Abdel-Wahab. Moi, je me plaisais à chanter Leih ya banafseg (Pourquoi violette ?) de Saleh Abdel-Hay », se rappelle-t-elle, en précisant que c’est grâce au chanteur-compositeur égyptien Mohamad Abdel-Wahab qu’elle a pu réaliser son rêve et devenir chanteuse.
En l’été 1976, elle rencontra Abdel-Wahab par pur hasard, à la station balnéaire syrienne Bloudane, où elle chantait dans les grands hôtels de luxe.
« J’étais troublée. Je n’avais que 17 ans et j’ai chanté devant lui Lessa faker (T’en rappelles-tu encore ?!) d’Oum Kalsoum. Il a apprécié ma voix et m’a invitée à venir l’été d’après au Caire où il y avait un appartement à Zamalek, pour moi et ma famille. Il voulait m’entraîner à chanter et mieux étudier l’étendue de ma voix ».
C’est au Caire aussi qu’elle a rencontré un autre grand compositeur de la musique orientale : Mohamad Al-Mougui. Ce dernier lui rendra visite plus tard à Damas et lui composera une chanson intitulée Ya ghaëbane la yaghib (Ô toi, absent très présent). Ensuite, viendra le tour de son compositeur égyptien préféré, Baligh Hamdi, qui la placera une fois pour toutes sur le bon chemin. C’est lui qui aura le rôle décisif quant à sa carrière. « Baligh ?! C’était un génie. Il m’a offert des chansons très riches au niveau de la musique et des paroles, alors que je venais de faire mes débuts. Il m’a épargné beaucoup d’efforts. Qui fait pareil aujourd’hui ?! ».
Pendant deux ans passés à Damas, Baligh Hamdi compose à Mayada un grand nombre de chansons, considérées aujourd’hui comme les plus marquantes de sa carrière. Citons en Sidi ana (Ô mon maître), Al-Hob elli kan (L’amour qui était) et Ana baachaak (Je t’adore).
« Baligh Hamdi m’a mis en musique 25 chansons. Parfois, c’était lui aussi qui écrivait les paroles ». Toute fière d’avoir acquis la confiance d’autant de grands compositeurs de l’époque, elle ne manque pas de mentionner sa collaboration avec Riyad Al-Sonbati à travers la chanson Fatet sana (Un an est passé). Ensuite, elle prend le souci de dresser la longue liste des noms de compositeurs et paroliers avec qui elle a travaillé.
« Le poète Ahmad Rami m’a écrit la chanson Awwel ma choftak habbeitak (Je t’ai aimé du premier regard). Je me souviens qu’il m’avait dit : Après la mort de la diva Oum Kalsoum, j’aime achever ma carrière en écrivant une chanson pour Mayada Al-Hinnawi. Quel honneur pour moi ! ».
En narrant autant de beaux souvenirs, transparaît son amour pour l’Egypte. D’ailleurs, l’accent égyptien domine la plupart de ses chansons. Cependant, pour échapper à la susceptibilité des dialectes entre les pays arabes, elle tient à souligner que « l’art ne connaît pas d’accents. L’important est de présenter une œuvre comprise, aimée et ressentie par le public. En ce moment, il n’y aura pas de différence entre accent égyptien, syrien ou celui des pays du Golfe ».
Sa manière sincère de parler, et notamment sa prudence visant à ne pas commettre de bévues, ne sont pas sans rappeler le souvenir des années de mésentente politique. Pendant 13 ans environ, elle ne pouvait mettre les pieds en Egypte. De quoi laisser quelques traces d’amertume chez la chanteuse.
Tout a commencé un soir au début des années 1980. Elle prenait son bain et s’apprêtait à un dîner chez la chanteuse également syrienne Fayza Ahmad, lorsque deux policiers interviennent à la maison. Ils lui demandent de les accompagner au bureau pour ouvrir une enquête. Etonnée, la chanteuse part sur-le-champ, les cheveux mouillés. Et c’est alors qu’un haut responsable de la Sûreté d’Etat l’accuse d’espionnage. Elle fut ainsi obligée de quitter l’Egypte le lendemain matin pour se rendre à Beyrouth car l’aéroport de Damas était fermé à l’époque. Les responsables de la Sûreté de l’Etat ont même refusé qu’elle rentre de nouveau chez elle pour ranger ses affaires et l’ont détenue jusqu’au matin. Mayada Al-Hinnawi n’a pu que téléphoner à Fayza Ahmad qui est venue la chercher, menaçant de quitter l’Egypte si sa compatriote n’est pas libérée !
Malgré le renoncement à la décision du transfert, Mayada Al-Hinnawi est rentrée à Beyrouth, vaincue par la tristesse. Elle raconte : « Après être rentrée, j’ai passé de très mauvais moments. Je ne cessais de pleurer. J’étais innocente et toute l’affaire était montée par un haut responsable. Je préfère ne pas me souvenir de cet incident amer ».
L’affaire avait fait un tollé dans le temps. Deux justifications avaient été données par la suite. La première disait que Mayada, à l’âge de 17 ans, s’était mariée à un politicien syrien, qui l’avait présentée à Abdel-Wahab et lui avait demandé, à son insu, de lui procurer quelques informations sur l’Egypte. Et à cet égard, la chanteuse ne dément pas son mariage. Cependant, elle nie fermement toute implication dans une telle « affaire fabriquée de toutes pièces ». La seconde justification prétend que le transfert était à la demande de la femme d’Abdel-Wahab, Nahla Al-Qodssi, qui était jalouse de sa relation avec la jeune chanteuse syrienne. De quoi avoir poussé Al-Nabawi Ismaïl, alors ministre de l’Intérieur, à prendre ses mesures. Il s’est référé dans ses « allégations » à l’enregistrement d’un appel téléphonique où elle parlait avec un ami égyptien sur l’état des lieux en Egypte.
« Abdel-Wahab avait l’âge de mon grand-père. Ma relation avec lui était celle d’un père spirituel, d’un professeur et de son élève », explique-t-elle d’une voix douce, avant de conclure : « Mon public a bien compris que j’étais innocente. J’ai eu droit à une sorte de réhabilitation lorsque l’ancien ministre de l’Information, Safouat Al-Chérif, m’a appelée quelques années plus tard, m’adressant une invitation officielle pour participer à l’une des fêtes organisées par la télévision et à une opérette à l’occasion du 6 Octobre ».
La chanteuse affiche un sourire de bébé. Sous sa crinière blonde, elle retrouve sa nature calme et sereine. Avec sa voix caressante, elle répond à ses fans qui l’interrompent de temps en temps pour demander une photo ou un autographe. A chacun d’eux, elle témoigne un intérêt particulier. C’est la « Sett Mayada », ou « dame Mayada », comme on l’appelle en Syrie par respect.
Avec un maquillage qui se remarque à peine, en jean dans un style très nature, elle a cet art de rendre tout le monde à l’aise. Même sur scène, elle se veut proche et familière, tout en gardant son aura de diva.
« Je ne sais pas si c’est une qualité ou un défaut, mais c’est ma nature. Je ne m’intéresse qu’à mon art et ma voix. Peu importe de changer de look, l’essentiel est de varier les genres et les sujets de mes chansons. C’est ce que l’on attend de moi ».
Avec une telle attitude, elle a sans doute ses réserves quant aux nouveaux clips en vogue. « Certains nouveaux chanteurs sont des danseurs compétents à la voix très modeste. Un fait qui nuit à la chanson arabe ».
Elle tripote une mèche de ses cheveux courts, miroitant un petit air timide. Il suffit de quelques phrases pour savoir que sa bonté n’est pas feinte. Elle n’hésite pas par exemple à parler des kilos qu’elle a gagnés ces dernières années. « En Syrie, nous avons beaucoup de plats que j’adore, dit-elle sur un ton enfantin. Cuire et préparer les mets succulents parmi mes hobbies. Je mange de tout. En plus, quand je me sens triste ou de mauvaise humeur, je mange encore plus ! ».
Parlant de choses intimes, la conversation dérive sur sa chanson Saet zamane (Une seule heure). Car souvent les chansons de Mayada Al-Hinnawi parlent d’elle. Cela lui fait énormément plaisir que les gens la découvrent au fur et à mesure en écoutant ses chansons. « Cette chanson m’est vraiment chère ; elle exprime si bien ma vie que celle d’Al-Hob elli kan (L’Amour qui était). Je me souviens que j’avais évoqué l’idée à Baligh Hamdi qui n’a pas tardé à écrire les paroles et la musique de cette chanson ».
Surnommée la « chanteuse de l’amour », Mayada Al-Hinnawi a passé de longues années en quête de cet amour dont elle a été l’ambassadrice. Deux mariages et plusieurs fiançailles … Ensuite, vers 1999, elle tombe à nouveau sur l’homme de sa vie, son actuel mari, l’homme d’affaires et officier syrien Mohannad Ahmad. « J’étais infortunée durant toute ma vie sentimentale. Je me suis mariée il y a plus de 25 ans, mais malheureusement ce mariage n’a pas duré longtemps. J’ai passé ma vie à chercher l’amour et enfin j’ai trouvé ce qu’il me fallait ». Son mari, à son tour, ne cesse de faire l’éloge de sa femme. Il se considère un homme heureux. « Mayada est une vraie femme et mère de famille, avant d’être une star ! Elle s’occupe du foyer, prépare les repas, range mes habits et me choisit les cravates ! ».
Couronnée par tant de lauriers, la chanteuse semble vouloir se tourner vers sa vie privée. « Chanter pour moi est un univers à part. J’ai dû sacrifier ma maternité pour me consacrer au chant ». Et de poursuivre : « J’ai toujours refusé de faire du cinéma, jugeant que je n’étais pas très bonne, mais la seule chose qui pourrait m’encourager à passer par cette expérience c’est de tourner dans une œuvre pour enfants », précise Mayada Al-Hinnawi, qui préfère prendre du recul par rapport au fatras musical actuel, sans pour autant décider de se retirer de la scène. Il est encore trop tôt. « Je prépare un nouvel album dont les chansons sont composées par Mohamad Sultan, Helmi Bakr et Ammar Al-Chéréï ». C’est toute une autre génération.
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