lundi 7 juin 2010
Hamid Zahir
Hamid Zahir , en 1956, le Maroc vient de gagner son indépendance. Une vague de liesse populaire s’empare du pays. Entre fêtes spontanées et cérémonies officielles, rares sont les villes épargnées par l’euphorie collective. À Marrakech, les tentes se dressent dans les rues de la ville pour abriter les festivités. Du pain bénit pour Hamid Ben
Hamid Zahir, aujourd’hui
retraité du monde du spectacle.
Taher, jeune homme fringant, bon vivant notoire, qui sillonne chaque soir la ville ocre à bord de son Solex, en quête de bonnes ambiances. De réunions festives en soirées musicales, ce boucher de père en fils se lie d’amitié avec un groupe de musiciens, qui l’initient à l’art subtil du oud. Très vite, l’enfant de la Kasbah s’avère être un virtuose de l’instrument, qu’il manie avec un rare doigté.
Une année plus tard, Hamid achète son premier luth et fonde sa propre troupe. Et au passage, il change également de patronyme et se donne un nom de scène inspiré de Arsat Zahiriya, un ancien quartier de Marrakech d’où est originaire sa famille : Hamid Ben Taher devient ainsi Hamid Zahir. Fidèle aux standards de l’époque, le nouveau groupe compte, en plus du chanteur, deux femmes choristes et deux hommes appelés Keffafa. Spécialistes de la fameuse Dakka Marrakchia, ces derniers tapent des mains et dansent pour accompagner les chansons. Tirées du répertoire populaire, elles mélangent zajal, melhoun et poésie arabe. De mariages en baptêmes, la troupe acquiert une grande notoriété parmi les Marrakchis, qui apprécient le jeu de luth de Hamid Zahir, les belles paroles de ses chansons, leurs rythmiques prenantes, et par-dessus tout, le jeu de scène de ses danseurs qui, en purs Bahjaoua, enchaînent pitreries et mimiques cocasses.
Le “Makhzen artistique”
Il faudra cependant attendre la fin des années 50 pour que Hamid Zahir produise enfin ses propres chansons. Enregistrés dans les studios de la maison de production Sabah, des morceaux comme “Awin Awin”, “Rouah Li Bgha Yzour”, “Lila a Sidi Aâmara” deviennent très vite de véritables tubes. Repris partout au Maroc, ils ouvrent au troubadour de Marrakech la voie du succès national. Le sacre arrive en 1962, lorsque Hamid Zahir produit sa célèbre chanson “Marrakech A Sidi Koulou Fareh Lik” (Tout Marrakech est heureux pour vous, Majesté). Composée en l’honneur du jeune roi Hassan II, qui vient tout juste d’être intronisé après le décès de son père, la chanson est présentée pour la première fois au public à l’occasion d’un défilé militaire organisé à Marrakech. Grâce à elle, Hamid Zahir est appelé à enregistrer ses chansons dans les studios flambant neuf de la radio nationale marocaine, au quartier Aïn Chock à Casablanca. “Je me suis présenté avec les 18 tours et les 45 tours que j’avais enregistrés auparavant. Ils ont été diffusés sur le champ sur les ondes et on m’avait invité à en produire d’autres au sein même des studios de la radio nationale”, se rappelle-t-il, nostalgique.
Véritable révélation, Hamid Zahir devient le chouchou du public marocain. Le succès est tel que cet amoureux de Marrakech se résout, la mort dans l’âme, à déserter sa ville natale pour s’établir à Casablanca. Dans la métropole, Hamid Zahir mène une double vie, partagée entre les abattoirs, où il exerce son métier de boucher le matin, et les studios, où il enregistre ses chansons. Entre les deux, l’artiste autodidacte se produit également dans des cabarets, des soirées privées et des mariages. Fréquemment sollicité par le Makhzen artistique, Hamid Zahir est aussi de toutes les fêtes et cérémonies officielles. Conquies par sa musique joviale et entraînante, plusieurs hautes personnalités du royaume, dont le roi Hassan II lui-même, recourent à ses services lors de soirées fastueuses où se côtoient gens de la haute et têtes couronnées. Confiant en son avenir d’artiste, Hamid Zahir décide à cette époque de laisser tomber sa blouse de boucher pour se consacrer entièrement à sa carrière de chanteur.
Notoriété régionale
Au milieu des années 70, Hamid Zahir jouit déjà d’un statut de star nationale. Des chansons comme la fameuse “Lalla Fatima” et “Ach Dak Tmchi Lzine” transcendent même les frontières nationales, pour s’imposer sous des cieux aussi inattendus que l’Arabie Saoudite et le Koweït. Ils valent à leur auteur d’être sollicité pour des tournées internationales qui le mèneront aux quatre coins du globe, avec des concerts dans des contrées aussi éloignées que… le Japon et l’Australie. Plus près de chez nous, Hamid Zahir devient également la coqueluche du public maghrébin. En Tunisie, où il se déplace fréquemment, son succès est tel qu’il lui vaut d’être décoré par le président tunisien de l’époque, Habib Bourguiba.
Toutefois, à partir des années 90, et aussi subitement qu’il était apparu, Hamid Zahir décide de tirer sa révérence. Ses apparitions publiques se font de plus en plus rares. Établi à Marrakech, où il possède une résidence et un café dans le quartier Guéliz, il fréquente de plus en plus assidûment la mosquée et ne se produit plus que dans quelques rares occasions privées. La rupture avec la chanson est totalement consommée en 2004 : cloué au lit par une inflammation du nerf sciatique, l’homme est forcé de réduire ses déplacements au minimum et d’autant ses prestations publiques et télévisuelles.
Mais le troubadour de la Kasbah ne cède pas pour autant à la déprime. Jovial comme à ses vingt ans, il garde ce sourire « ultra-brite » qui a fait sa réputation. De sa notoriété d’antan, Hamid Zahir tire aujourd’hui une grande fierté. Il évoque avec bonheur ces moments de gloire qui lui permirent de côtoyer des monstres sacrés de la chanson arabe tels Oum Kaltoum, Abdelhalim Hafed, Mohamed Al Mouji ou encore la diva tunisienne qu’il vénère, Oulaya. Une belle prouesse pour cet artiste autodidacte, qui était promis à une simple carrière de boucher .
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